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Articles lundi 25 novembre 2024

Comment utiliser l’intelligence artificielle en toute sécurité dans un contexte juridique

Par Julie Perreault

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Le 18 novembre dernier, le Barreau du Québec a procédé au lancement officiel de sa campagne de sensibilisation destinée aux citoyens et citoyennes qui souhaiteraient utiliser l’intelligence artificielle (IA) dans un contexte juridique. 

Loin de vouloir faire peur au public, le Barreau vise plutôt à limiter les problèmes que pourraient encourir les citoyens et citoyennes en se basant uniquement sur l’IA pour leurs démarches juridiques, notamment pour les personnes qui souhaiteraient se représenter seuls. 

Les limites actuelles de l’IA

Bien que facilitant les recherches, autant pour le public que pour les membres de l’Ordre, l’IA générative demeure imparfaite à ce jour. Là où le bât blesse est la véracité des informations qu’elle fournit. «  Malheureusement, l’IA n’est pas encore au stade où elle a résolu son problème d’exactitude des informations qu’elle génère  », explique Me  Philip Louis, conseiller en technologies prédictives et IA au Barreau du Québec. 

«  Il faut comprendre que l’information de l’IA est le résultat de son corpus d’entraînement. Elle utilise des motifs et des structures apprises de son corpus pour produire des résultats nouveaux, mais sans garantie d'exactitude, ce qui la rend peu fiable pour des informations précises et encore moins pour effectuer une analyse exhaustive d’un dossier juridique.  »

Me Philip Louis, conseiller en technologies prédictives et IA

Une opinion que partage la bâtonnière du Barreau du Québec, Me  Catherine Claveau. «  Puisque l’IA fonde son travail sur de vastes quantités d’informations, elle peut produire des résultats biaisés, discriminatoires ou des contenus incomplets. Communément, on dit que l’IA est touchée par des hallucinations. En effet, il lui arrive de produire des résultats erronés, généralement causés par le manque de données ou leur qualité variable. C’est pourquoi, lorsque l’on n’est pas un spécialiste du droit, il peut être périlleux de se fier aveuglément aux résultats de l’IA, car on n’a pas les moyens et les connaissances nécessaires pour les valider  », indique la bâtonnière.

À cet effet, le Barreau a d’ailleurs mis en ligne un questionnaire, dans le cadre de sa campagne, afin que les gens du public puissent tester les connaissances de l’agent conversationnel ChatGPT en matière de droit et aussi constater ses limites. 

Une utilisation diligente

Est-ce à dire que les citoyens et les citoyennes et même les membres du Barreau devraient s’abstenir entièrement d’employer un logiciel alimenté par l’IA? Pas nécessairement, selon ce que constate Me  Louis par rapport aux technologies disponibles. «  Il faut que le justiciable soit en mesure de vérifier que l’information (qu’il a obtenue par l’IA) soit exacte. Il existe des logiciels qui génèrent de l’information sourcée et ayant des références. Cependant, lorsqu’il s’agit d’interpréter de l’information juridique ou de l’appliquer dans un contexte précis — même s’il s’agit d’informations fiables —, je dirais qu’il faut absolument faire confiance à un membre du Barreau. Car cela prend quelqu’un qui a été formé, qui comprend les complexités et les nuances du droit, qui est capable d’analyser si une situation est régie par plusieurs lois, qui est en mesure de donner un avis ou des conseils juridiques pertinents, etc.  », indique l’avocat. 

«  L’intelligence artificielle générative est un outil puissant qui offre de nombreuses possibilités. Elle accélère la recherche, aide à rédiger des documents, synthétise des informations, analyse des grands volumes de données, génère et vulgarise des résumés de dossiers complexes. En revanche, elle présente aussi des risques sérieux et bien réels susceptibles d’affecter les personnes qui la sollicitent. Ainsi, le Barreau encourage l’utilisation de l’IA comme outil d’assistance mais pas comme substitut aux avocats et avocates.  »

La bâtonnière du Barreau du Québec, Me Catherine Claveau

Les ressources existantes

L’IA représente, pour certaines personnes, une avenue plus abordable au plan financier, lors d’un processus judiciaire, par exemple. Un fait qui n’a pas échappé au Barreau… C’est pourquoi l’Ordre suggère des pistes et des outils pour répondre à ce besoin. «  Une section du site Web du Barreau est consacrée aux ressources proposées aux gens pour accéder à la justice à faible coût ou gratuitement. Parmi celles-ci, notons que le Barreau a mis sur pied l’an dernier la Clinique juridique du Barreau, qui prodigue des conseils juridiques gratuits à la population québécoise en matière de droit social, droit de la famille, droit des successions, droit civil, droit du logement et droit du travail (travailleurs non syndiqués). Ce service au public a vu le jour à l’issue de la réforme du programme de formation professionnelle de l’École du Barreau, et ce sont les étudiants et étudiantes de l’École qui reçoivent les gens en consultation, sous la supervision de superviseurs, en présence ou à distance, en anglais et en français  », cite en exemple la bâtonnière Claveau. 

Ces ressources autant que les services offerts par des membres du Barreau font aussi l’objet de protections en cas d’erreur. «  Le Barreau du Québec est l’ordre professionnel qui encadre la pratique de quelque 30  500  avocates et avocats de tous les domaines du droit. En plus de souscrire à des assurances professionnelles, les membres doivent impérativement respecter le Code de déontologie des avocats, qui assure un cadre de pratique rigoureux et éthique, ainsi que l’excellence des services juridiques, centrés sur la protection du public. Avec l’IA, il n’existe pas de mécanisme d’imputabilité comparable pour des erreurs commises par la machine  », de résumer Me  Claveau.

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