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Articles mardi 22 juin 2021

Faire connaître ses limites… la suite

Par Marie-Hélène Paradis

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Au début de la pandémie, deux jeunes avocats ont témoigné de l’importance de faire connaître ses limites et d’établir des balises dès le départ pour conserver une bonne santé mentale et une qualité de vie. Nous avons voulu savoir comment c’était passé cette année de pandémie si exigeante pour tous. Est-ce que les bureaux d’avocats ont su bien gérer la pandémie? Est-ce que les balises établies ont été respectées? Ou encore, est-ce que les mesures mises en place vont rester en place? Voici des questions qui ont suscité notre intérêt. Stéphanie Gascon du cabinet BLG et Antoine Godin-Landry du cabinet Woods nous ont partagé leur nouvelle réalité et leurs souhaits pour l’avenir.

Les premières semaines

Pendant les premières semaines, nos jeunes avocats ont dû aborder le travail de façon différente. Ce fut donc un tout nouvel apprentissage si on considère qu’en plus du stress lié à la profession, celui-ci a été intensifié par la pandémie et ses règles sanitaires. Tout a changé, le numérique a pris de l’ampleur et la tâche est devenue encore plus solitaire que normalement, tout ça était récent et déstabilisant.

Le témoignage d’Antoine nous le confirme. Il a été embauché par le cabinet Woods à la suite de son stage. Il a dû s’adapter à un rythme de travail, à une pression et à des enjeux de performance au quotidien et tout ça en plus de gérer l’anxiété liée à la pandémie.

Stéphanie, quant à elle, déjà bien installée dans son poste, avait établi ses balises dès son arrivée chez BLG, mais elle a dû malgré tout trouver un nouvel équilibre entre sa vie professionnelle et personnelle.

Les outils mis en place

Stéphanie et Antoine ont en commun d’avoir, dès le début de leur carrière, abordé le sujet du bien-être dans leur milieu de travail et d’avoir mis carte sur table pour établir des balises qui respectent leurs besoins et ceux de l’entreprise.

D’après Stéphanie, la pandémie a favorisé le respect des limites établies, le télétravail permettant d’ajouter à l’horaire des activités comme l’entraînement, la lecture ou un souper avec son conjoint. « Ça m’a donné plus de flexibilité pour ce genre d’activité difficilement planifiable pendant une journée au bureau. » Elle est maintenant plus organisée qu’au début, elle a un emploi du temps planifié pour avoir des activités personnelles tôt le matin et pour vaquer à ces occupations professionnelles par la suite.

Pour Antoine, le simple fait de dire que quand il est en procès il a besoin de protéger ses nuits de sommeil, de prendre trois repas par jour le rend plus performant. « Je suis prêt à faire de longues heures, mais il me faut une nuit complète quitte à me lever très tôt. Lorsque je respecte mon rythme, je suis efficace. »

De nombreuses façons de limiter le stress peuvent être mises en place par chacun, ne serait-ce que de faire une vraie pause entre deux interrogatoires et non de revoir le contenu de celui-ci. Il ne faut pas non plus négliger le fait que la solitude, le manque de contact avec ses pairs peuvent être un enjeu de taille. Les réunions d’équipe virtuelles sont des éléments positifs, ce sont des outils simples, mais qui font une grande différence dans la productivité.

Les cabinets ont élaboré de nouvelles règles et ont réorganisé le travail de façon à bien servir leurs clients tout en respectant les limites de chacun. Au cabinet BLG, les avocats sont encouragés à ne pas consulter leur boîte de courriels 24 heures sur 24, à faire des courriels différés et il n’y a pas de rencontres le vendredi ou le lundi. Chez Woods, les associés ont été proactifs et ont mis des mesures en place pour trouver les outils nécessaires à une bonne performance des employés. Un comité a été mis sur pied pendant la pandémie pour développer des initiatives pour le bien-être de tous. Antoine siège au comité et nous confie que plusieurs choses sont en voie d’être adoptées. « Je crois que c’est assez avant-gardiste », affirme-t-il.

Un avant et un après pandémie.

La crise sanitaire a, dit-on dans plusieurs milieux, changé la façon de voir le travail, ses exigences, la gestion du stress et a suscité une réflexion sur les choix de vie. Les cabinets d’avocats ne font pas exception à la règle et ont dû mettre en place des mesures facilitatrices pour continuer à bien défendre leurs clients tout en respectant les règles que la situation nécessitait. Les moyens que les deux cabinets ont mis de l’avant l’ont été grâce à la pandémie. Celle-ci a certainement fait avancer le dossier bien-être des employés plus rapidement.

« Chez BLG, mes collègues et moi avons réalisé que l’on ne prenait pas assez de temps pour soi. Les avocats qui ont une famille, des enfants ont tout à coup pu passer du temps avec eux et ont été en mesure de rééquilibrer la vie familiale », nous confie Stéphanie. « Notre bureau a misé sur la ressource la plus importante pour un cabinet d’avocats soit ses avocats », ajoute-t-elle.

Quant à Antoine, il espère que d’en parler et de faire ce qu’il faut pour se sentir bien font une différence.

La suite des choses… La santé mentale, un enjeu important

Pendant longtemps, la santé mentale était associée au fait d’être malade, de ne pas vouloir travailler fort ou encore de ne pas être compétitif. Heureusement, ce n’est plus le cas et les entreprises comme les cabinets d’avocats sont de plus en plus conscientes de l’importance de mettre en place des conditions de travail permettant à tous les employés de bien performer sans pression indue.

D’après l’expérience des deux jeunes avocats, il est impératif d’aborder, en premier lieu, le sujet avec les dirigeants, avec son mentor, d’ouvrir le dialogue pour un accompagnement efficace face aux défis inhérents à un début de pratique dans le domaine juridique, milieu propice au stress s’il en est un.

« En parler ne rend pas plus faible, mais permet de se donner des outils pour être au meilleur de sa performance. La santé mentale n’est pas la maladie mentale, c’est prendre soin de soi. Seulement quelques petites initiatives sont nécessaires pour être au meilleur de ses capacités », selon Antoine.

Le retour au travail post-pandémie ne se fera pas comme avant, selon Stéphanie. « Il n’y a pas encore de mesures claires, mais il est évident que certaines choses vont rester. Les avantages de la pandémie sont certainement le fait que la modernisation du système judiciaire s’est faite plus rapidement que prévu et que le télétravail va demeurer une possibilité, ce sera au choix de l’avocat ».

« Je commence à avoir l’étiquette du jeune avocat qui défend la cause de la santé mentale parmi les jeunes avocats du cabinet et je suis fier du cheminement que j’ai eu en en parlant dès le début et en mettant des outils en place pour mon bien-être et éventuellement, peut-être, celui des autres », affirme Antoine. « Les jeunes avocats sont de plus en plus ouverts à parler de ce sujet et j’ai décidé de m’impliquer pour discuter de bien-être psychologique. J’espère que de parler de mes défis personnels va inciter d’autres personnes à faire de même. Il ne faut pas avoir peur de s’ouvrir, c’est comme ça que le changement va s’opérer ».

Malgré tous les inconvénients liés à la pandémie, il en ressort une prise de conscience quant aux bienfaits d’un juste équilibre entre travail et vie personnelle pour une santé mentale optimale chez les jeunes, mais aussi chez les avocats chevronnés.

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