Dossiers mardi 2 août 2022
« Que chaque citoyen ait le sentiment que la justice existe »
Me Miville Tremblay, Ad. E.
Par Marie-Hélène Paradis
Me Miville Tremblay, que certains surnomment « monsieur justice participative », a un parcours marqué par l’engagement.
« Depuis 2005 que je parle de justice participative, je crois que cela a eu un impact sur la communauté juridique et l’accès à une justice axée sur les citoyens », dit-il. S’impliquant au fil des ans dans différents comités du Barreau du Québec, auprès de l’Association des avocats et des avocates de province (AAP), ou comme bâtonnier de l’Outaouais, Miville Tremblay a également enseigné sa vision de la justice participative à l’École du Barreau, dans le cadre des ateliers de la formation continue ainsi qu’en France. De plus, il participe à l’organisation et à l’animation de la Table ronde sur la justice participative du Barreau de Montréal depuis ses débuts. Il vit et exerce aujourd’hui à Saguenay, et, toujours actif, il a ajouté le Barreau du Saguenay―Lac-Saint-Jean à son rayon d’action. « En couple depuis longtemps avec un conjoint de même sexe, j’ai participé aux activités du Barreau en sa compagnie, à une époque où ça bouleversait encore. Malgré les réactions multiples, j’ai choisi d’être moi-même et de contribuer ainsi à ouvrir les mentalités et soutenir la diversité au sein de la profession », confie-t-il. Me Tremblay est aussi engagé au niveau social dans sa communauté.
Au début de sa carrière, en Outaouais, sa collègue, Me Francine Pharand, lui a confié combien le temps et les efforts qu’elle avait investis dans la profession lui avaient été rendus au centuple. « Son commentaire m’a incité à me lancer dans l’engagement et l’action au lieu de m’isoler et de faire mon chemin tout seul. Ma collègue avait raison, on reçoit au centuple… ».
La justice pour tous
Un événement familial difficile, alors qu’il était adolescent, a amené ses parents à croire que la justice n’était pas pour eux. « Je me suis juré que je ne vivrais jamais des moments comme celui-là et depuis, mon objectif a été de rendre la justice accessible à tous. Je veux faire en sorte que les citoyens comprennent le langage juridique et les différentes options qui existent pour les aider à résoudre une impasse, une situation problématique ou un conflit », raconte Me Tremblay. L’accès à la justice demeure encore aujourd’hui l’élément porteur de son activité professionnelle.
Depuis 2004, Me Miville Tremblay exerce exclusivement en médiation et en résolution de conflits. À ce jour, il a effectué plus de 1 500 médiations en droit de la famille, en matières civile et commerciale, en droit des assurances et du travail. « C’est une pratique encore marginale, souligne-t-il, mais je crois que ça va devenir une nouvelle norme dans le futur pour tous les avocats et pour une justice vraiment accessible. »
Son salaire, se plaît-il à dire, c’est le citoyen qui, après une démarche de médiation, lui communique par une poignée de main, par un regard, par un commentaire, qu’il a compris. Il n’a peut-être pas obtenu ce qu’il voulait – on ne vit pas dans un monde idéal – mais il comprend, il accepte, il sait qu’il a été respecté, il a le sentiment que la justice fait partie de sa vie. « Chaque fois qu’un citoyen me dit merci pour votre accompagnement, c’est un élan pour continuer, un élan axé sur le besoin de chacun de savoir que la justice existe », dit Me Tremblay.
Marginalité et persévérance
Me Tremblay se dit fier d’un parcours marqué par la marginalité et la persévérance. « Marginalité parce que je suis entré il y a trente ans dans un milieu professionnel conservateur et je me suis respecté dans la personne que je suis, dans mes convictions et dans ma vision à différents égards en matière de justice. Persévérance parce que je me suis non seulement respecté, mais parce que j’ai persévéré dans mon engagement, dans mon discours, dans mes choix de pratique. J’ai réussi à relever des défis dans tout ce que j’ai fait, dans ce contexte particulier. Il est important, comme individu, de se respecter. Au-delà de la résistance qu’on rencontre, au-delà de la marginalité qu’on vit, au-delà des bouleversements qu’on suscite, c’est la persévérance qui nous amène à dire : j’ai cru en moi, je me suis réalisé et cela a porté fruit. »
Que signifie pour lui la reconnaissance Avocat émérite? « Les honneurs, répond-il, c’est une claque dans le dos et j’entends : Merci Miville, continue! On reconnaît que tu as eu une influence quelque part. Je suis peut-être l’exemple qu’il y a plusieurs modèles d’avocats et je pense que ça contribue à faire rayonner davantage notre profession. »