Dossiers mercredi 29 mars 2023
Les femmes dans la profession : l’affaire de tous et toutes!
Compte-rendu de la table ronde du 8 mars 2023
Par Marie-Hélène Paradis
Chaque année au Barreau du Québec, la Journée internationale des droits des femmes est l’occasion d’ausculter la situation des avocates dans la profession. La discussion du 8 mars 2023 a suscité des discussions intéressantes à la suite de la publication du rapport Femmes dans la profession : relever le défi de la rétention.
Le 20 septembre 2022, le chapitre canadien de l’Association internationale des femmes juges, le Barreau du Québec et l’Association du Barreau canadien ont convié les avocates à une table ronde afin de discuter des enjeux liés à la rétention des femmes dans la profession. Cette discussion ainsi qu’une consultation l’automne dernier ont donné naissance à un rapport, publié récemment, qui démontre les pièges et les enjeux liés à la rétention des femmes dans la profession, de même que les pistes de solution pour améliorer l’intégration, la rétention et la carrière des avocates. Des dizaines d’avocates ont participé de façon anonyme à un groupe de discussion qui a mis en lumière les enjeux existant encore à ce jour.
Les panélistes à la Journée internationale des droits des femmes du Barreau du Québec ont fait part de leurs réactions aux conclusions du rapport Femmes dans la profession. Ceux-ci étaient : Me Valérie Laberge, avocate en droit de la famille et médiatrice, Me Kim Nguyen, avocate chez MCCarthy Tétrault, Me François D. Ramsay, avocat en chef chez Hydro-Québec et Me Nicholas St-Jacques, avocat en droit criminel et pénal et membre du groupe Nouraie.
Dirigeant la discussion Me Catherine Claveau, bâtonnière du Québec, a souligné que même si des progrès importants avaient été enregistrés dans les dernières années, plusieurs enjeux persistaient en ce qui a trait à la rétention et à la progression des carrières juridiques des femmes. « Rappelons que ce n’est qu’en 1941, après vingt-cinq ans de lutte, que les femmes ont été admises au Barreau du Québec, le dernier barreau au Canada à admettre les femmes. Ironie du sort, aujourd’hui, plus de quatre-vingts ans plus tard, nous détenons le titre enviable de barreau le plus féminisé au Canada, avec 55 % de femmes. »
Quelques chiffres…
Une mise en contexte chiffrée donne une indication de la place qu’occupent les femmes dans la profession. Il faut dire tout d’abord qu’elles sont plus nombreuses que les hommes dans les facultés de droit, à hauteur de 70 %. Elles représentent 55 % du nombre total des membres du Barreau, et 60 % d’entre elles ont moins de dix ans de pratique. Le type de pratique dans lequel elles évoluent informe sur la situation des femmes : 35 % seulement des avocates exercent en pratique privée contre 52 % des hommes, alors que les avocates œuvrent au sein d’organisations publiques et parapubliques à hauteur de 28 % contre 17 % pour les hommes.
La représentation paritaire
Les enjeux de représentation paritaire sont présents dans plusieurs domaines et selon plusieurs critères. Selon Me Valérie Laberge, comme le modèle des cabinets a été fondé par et pour les hommes blancs, avec l’objectif de faire de l’argent; ces hommes étaient épaulés par une épouse à la maison qui s’occupait du quotidien, ils ont donc eu tout le loisir de faire de leur carrière une priorité absolue. « Heureusement les choses évoluent et la parité peut être un bon outil pour faire évoluer la situation et assurer une meilleure représentation des femmes dans les postes importants, mais le plafond de verre est encore là. Il y a quand même quelque chose d’anormal dans le fait de ne pas retrouver les femmes dans les postes de haut niveau alors qu’elles sont si nombreuses à l’entrée de la profession et qu’elles représentent la moitié de la population. » La performance des femmes dans les domaines où elles sont présentes est maintenant prouvée et, d’après Me Laberge, il faut continuer à travailler pour changer la culture des entreprises : ce n’est que de cette façon que les changements arriveront.
Me Nicholas St-Jacques confirme que le droit criminel est un des domaines du droit parmi les plus paritaires et donne l’exemple de son cabinet qui comporte 50 % de femmes dont plusieurs occupent des postes importants. « Il y a quand même un lot de défis, tels que la conciliation travail-famille, car le type de client que l’on défend a des besoins pressants auxquels les avocats doivent répondre. Malgré ces défis, les avocates peuvent s’inspirer de modèles extraordinaires. »
Me Nguyen raconte que seulement 11 % des avocates s’identifient à un groupe ethnoculturel. « Le milieu juridique reste encore très homogène, masculin et blanc, il y a encore trop peu de diversité en droit. C’est aussi quelquefois une question de culture. Par exemple, la carrière juridique n’est pas encouragée dans la culture asiatique, contrairement à la carrière scientifique. Les associations ont un rôle important à jouer pour encourager les études en droit et encourager les jeunes à persévérer et à gravir les échelons en association avec les facultés de droit. On peut agir aussi au niveau des équipes de recruteurs, par exemple chez McCarthy Tétrault ceux-ci reçoivent une formation obligatoire pour lutter contre les préjugés inconscients. » Me Nguyen ajoute que les clients demandent de plus en plus à faire affaire avec des avocates issues des groupes ethnoculturels. « Être femme et faire partie d’une communauté ethnoculturelle est en soi un double défi. L’information et la sensibilisation sont des actions indispensables pour faire avancer les choses. »
Me François D. Ramsay souligne que la profession juridique est bien positionnée pour poser des gestes et être un vecteur de changements. « Les valeurs qui guident les avocats sont intrinsèques au besoin de justice et d’équité qui nous ont fait choisir cette profession. C’est donc plus facile de poser des gestes pour une représentation paritaire. »